#Enfants bilingues, parents expatrié, écrans, code switching, mélange de langues, lecture# C’est une de mes grandes batailles. Une espèce de rage viscérale et philanthropique m’anime pour défendre le droit au repos des écrans. Je suis une grande guerrière de la lutte contre l’écran allumé. Du petit qui tient dans la poche au gros qui a bien du mal à se tourner en passant par le moyen qui pourrait servir de planche à découper. Je lutte avec acharnement pour une durée hebdomadaire légale du travail des écrans. Dans mes instants les plus revendicatifs, j’ai même pensé créer une association de défense pour le repos des écrans à l’instar du Front de Défense des nains de jardin. Fort heureusement, sur mon chemin de parent expatrié, j’ai trouvé des chefs de bataillon qui ont réduit mes charges : Movistar Protege en Espagne, Salfeld en Allemagne (avis aux parents intéressés). Malgré tout, je ne connais pas le repos. Puisqu’à un moment de faiblesse ou de survie sociale, j’ai accepté qu’ils s’immiscent dans le foyer de mes enfants… Donc, toujours aux aguets. Pour que le temps de repos des écrans soit respecté au quotidien. Quand, de façon inopinée, la semaine dernière, il a fait une incursion dans le salon. Je ne l’ai pas vu venir, je ne sais pas de quelle pièce il est sorti, je ne sais même plus où il avait pu passer les premiers mois de sa vie allemande. C’était un jour très ordinaire, d’après l’école, les devoirs faits. Je me suis inquiétée, non seulement du silence qui régnait mais aussi de l’absence de demande pour qu’un écran se mette au travail. Tout est allé très vite. Des indices qui ont alerté mon instinct maternel de guerrière. Je suis partie enquêter. Discrètement. Et là, qui vois-je entre les mains de Cadette ? Le Schtroumpf Paresseux …
Je savoure la vision de cette scène extraordinaire en plein jour, le calme ensorcelant de la vue d’un enfant absorbé par sa lecture, assis sur le canapé, devant l’écran, éteint, bien sûr. Mère d’enfants plurilingues, je jubile que Cadette lise en français, dans ma langue, elle qui se tourne plus volontiers vers des livres en allemand. Puis une petite voix rompt ce moment furtif d’émerveillement : « Maman, j’aime bien ce livre parce qu’ils parlent comme moi. Sauf qu’eux, ils utilisent « schtroumpfer » à la place » Et voilà que Cadette la trilingue, elle qui manie par excellence une soupe d’allemand, d’espagnol et de français sans aucun scrupule dans le flot de ses monologues, voilà donc que la reine absolue au sein de la famille du mélange des langues dans une même phrase, venait de découvrir, soulagée, la langue de ses compères de code-switching, emprunts et compagnie…. L’étrange réveil du Schtroumpf paresseux m’avait fait battre en retraite…. Je repartis, tout discrètement, le sourire aux lèvres.
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AuteurCécile Guenebaut, spécialiste de l'enseignement du français auprès des enfants francophones scolarisés hors système francophone. Catégories
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Décembre 2020
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